Gilbert, notre géochimiste, arrivé à l'observatoire en 1978, a passé 28 ans à étudier la Soufrière, notre «Vieille Dame», par des analyses de sources, de gaz fumerolliens, et des relevés météorologiques. Son travail acharné nous permet d'avoir d'excellentes séries de données, de la lente décroissance d'activité post-1976 à la lente augmentation d'activité actuelle, en passant par le déplacement du centre actif.
Il est aussi probablement celui qui connaît le mieux l'évolution et la physionomie de ce dôme volcanique, comptant environ 1500 sorties sur la Soufrière, par tous les temps (moyennement mauvais, mauvais, très mauvais, et exceptionnellement, par beau temps).
Son inlassable travail vient probablement d'une passion exacerbée pour ce volcan, cet objet indéfinissable, mystérieux, à moitié personnifié (la «Vieille Dame») qui a des colères extrêmement destructrices ou simplement spectaculaires, séparées par des périodes d'accalmie allant de la décennie au siècle, tout juste marquées par des faibles signes (fumerolles, sources chaudes). Sa Soufrière, c'est aussi cet environnement naturel exceptionnel, avec son froid, sa pluie, son vent, sa végétation.
Gilbert le passionné est passionnant à écouter raconter sa Soufrière. C'est aussi quelqu'un de très sympathique, blagueur, mais aussi modeste et sensible.
Gilbert, c'est surtout la Gilbert's Attitude, que tous ceux qui l'ont croisé dans son travail (collègues de tous volcans, journalistes, missionnaires) ont pu noter.
Son matériel scientifique et hi-tech (dixit les journalistes) est un bric à brac mélangeant les instruments de chimie professionnelle à la quincaillerie usuelle. C'est parfois insolite et très bon marché, mais toujours fonctionnel avant tout. En vrac, on y trouve : ficelle, tuyau d'arrosage, entonnoir, bidons divers, saladier, ..., et l'inévitable scotch orange universel.
C'est valable pour le matériel, mais aussi pour les tenues. La lourde combinaison anti-acides sortie tout droit du film de science-fiction est retournée au placard après son inauguration, au profit d'une combinaison étanche, de gants de ménage, d'une cagoule de plongée et d'un masque à gaz. Contre la pluie, vous avez dit «Gore-Tex®» ? Connait pas. Chez Gil', c'est la veste fluo pour ouvrier de travaux publics, avec doublure polaire intégrée, un pantalon d'agent de sécurité, et des bottes. Le tout pour environ 50 ¤.
Voici une compilation des plus belles photos de Gilbert, par François, le directeur de l'observatoire. Ce tableau lui a été offert.
C'était aujourd'hui son anniversaire, 60 ans, et du même coup, son dernier jour, lui ouvrant la porte bien méritée de la retraite. Nous avions convenu qu'il invitait ses amis, et que nous nous chargions de l'organisation.
Le matin, nous sommes montés sur la Soufrière. Contrairement à ce qu'il pensait, nous n'allions pas faire un dernier prélèvement, ça avait été fait quelques semaines avant.
Au sommet, une bâche l'attendait, marquée «Joyeux anniversaire Gilbert», ainsi qu'Albert, sa combinaison anti-acides, à l'intérieur de laquelle était caché Olivier, son jeune remplaçant.
Nous lui avons ensuite offert le champagne. Remarquez que pour l'occasion, Gilbert avait mis sa cravate «IPGP» (Institut de physique du globe de Paris).
Nous sommes redescendus sous une pluie diluvienne, dans une bonne ambiance. Sur le parking de la Savane à Mulets, nous marchions dans 5 à 10cm d'eau. Et les ravines de la Soufrière étaient remplies d'eau. La Soufrière pleurait, c'était sa manière de le saluer.
De retour à l'observatoire, nous avons déjeûné et fait la fête avec sa famille et ses amis, avant de lui remettre quelques cadeaux.
Il ne s'attendait pas du tout aux surprises qu'on lui avait réservé, il était très ému et ravi.